Théâtre d’ombres

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à qui dit s'appeler Xiao-Li

Sur la plaine polie par des cristaux de pluie, l'ombre chinoise m'encadre, à perdre haleine. Le froid de cette ville féroce, pour être dans la note, a taillé un miroir noir sous mes pas. Et nous marchons, chacune à son métier: je prends soin d'un certain trésor gris perle et elle veut battre de la petite monnaie qui sonne comme des clochettes minuscules.

L'ombre à la forme de crapaud perd son souffle, mais l'expression de son visage rond d'ivoire ne change presque pas. Transformée en fou de mon vieux jeu d'échecs, elle trace sa diagonale sur le tablier écarlate et blanc (oui, parce qu' il y a du sang sur la neige de ce printemps paresseux qui ne se décide pas à entrer).

Ma créature sombre n'arrête pas de m'observer depuis sa bizarre absence de paupières. Elle cherche la crevasse qui lui permettra de se courber sur mon épine. Elle porte des dagues cachées dans ses bottes.
Maintenant elle s'est transformée en Bouddha. Et elle connaît bien mon nom, mais elle me le demande.

Remerciements: Octavio Malherbe, Laura Masello.
Photo: Venise.